TERRIEN·ne·s.

À travers cette série, je cherche à interroger, à l’heure de la crise écologique, la dimension sensible de notre lien au dehors, notre connexion à la Terre et à la réalité qui nous entoure.

Modelé depuis les Lumières dans une opposition humain/animal et nature/culture, notre rapport au réel s’est appauvri au fil du temps. Il fétichise désormais la rationalité plutôt que de nous éduquer comme terrien·ne·s, capables d’observer la Terre, de l’écouter, de se sentir y appartenir. Portée à son paroxysme, cette rationalité devient créatrice d’un modèle de société destructeur qui nie ou dévalorise les croyances spirituelles, la transmission intergénérationnelle, le savoir ancestral ou encore la sensibilité au monde vivant.

Inspiré d’écrits intersectionnels, j’ai pris conscience que ce modèle rationnel développé par les pays occidentaux représentait le savoir et la force et, par conséquent, la domination. Il suffit d’observer la crise écologique d’un point de vue de justice ou d’injustice environnementale pour constater que son impact n’est pas le même sur les différentes catégories de la population, selon que l’on soit dominant ou dominé.

L’analyse faite par la militante indienne Vendana Shiva illustre bien ce rapport de force. Elle observe que le système de production alimentaire traditionnel (en Inde et ailleurs) crée une économie et une écologie stables et locales via un équilibre obtenu par un savoir-faire intergénérationnel, une connaissance du fonctionnement de l’écosystème, une maitrise des semences et une intégration respectueuse de l’humain dans cet environnement. Cet équilibre est perturbé, voire rompu, avec l’arrivée par exemple de pays du nord venus exploiter des ressources à des fins capitalistes (forage pétrolier, minier, déforestation, agro-industrie, etc.). Les populations locales perdent alors leur capacité d’autosuffisance et la connaissance du territoire acquise depuis de nombreuses générations s’oublie.

Alors, « Comment reconquérir la terre, comment la reprendre à un système dévastateur ? » écrit l’essayiste et militante Fatima Ouassak. Comment rendre accessible à toustes les ressources vitales et nourricières offertes par la Terre ? Comment imaginer demain sans continuer à détruire notre planète comme s’il s’agissait d’un monde aux ressources inépuisables ?

Mon envie, en associant deux ou trois photos, est de réunifier l’être humain au monde vivant qui l’entoure. L’idée n’est pas simplement de critiquer un modèle destructeur et asservissant mais plutôt de rappeler qu’il existe d’autres façons d’habiter le monde qui seraient bénéfiques à une plus large partie de la population. Nos sociétés rationnelles existent et possèdent, elles aussi, de nombreuses vertus. Comment peut-on alors cohabiter et redonner sens, vie et crédibilité aux dimensions sensibles, ancestrales, spirituelles, naturelles et solidaires qui nous lient à la Terre ? Comment inventer une nouvelle narration dans laquelle nous redeviendrions terrien·ne·s ?

Sources:

Vendana Shiva, Restons vivantes, Rue de l’échiquier, 2022
Fatima Ouassak, Pour une écologie pirate, La Découverte, 2023
Geneviève Provost, Quotidien politique, La Découverte, 2021

NATUREL

SENSIBLE

SOLIDAIRE

SPIRITUEL

ANCESTRAL